lundi 9 septembre 2013

Y a-t-il une vérité?

Jean Daujat (1906-1998) était un scientifique de formation, mais qui a consacré sa vie à la philosophie. Son l'esprit rationnel et rigoureux s'est appliqué à écarter les erreurs et à cerner la vérité objective qu'il l'exprime sous une forme compréhensible au commun des mortels. 

Son oeuvre principal, Y a-t-il une vérité?, est un traité de philosophie thomiste qui répond aux questions les plus fondamentales de l'existence (ce qu'on appelle la métaphysique), en particulier des moyens de connaissance qui nous permettent d'affirmer certaines choses non observables physiquement, tels que l'existence de Dieu, la raison de notre existence et le sens de la vie.

C'est donc un livre à la fois très conventionnel, en ce qu'il vient affirmer les principales vérités de la philosophie thomiste et de la foi chrétienne, et totalement subversif dans notre contexte post-moderne où le nihilisme et le relativisme sont devenus la norme.

Voici un extrait de l'introduction:
Il faut insister sur le caractère fondamental du problème de la vérité car nous vivons en un temps où, pour des raisons que nous étudierons longuement par la suite, un grand nombre de nos contemporains sont convaincus qu'il ne peut pas y avoir de vérité certaine et que l’intelligence humaine ne peut rien affirmer parce qu'elle ne peut pas savoir où est le vrai et où est le faux. Et c'est là ce qui entraîne le désarroi, le désespoir et la révolte de toute une jeunesse dont l’explosion en mai 1968 a surpris l'aveuglement des générations précédentes, mais non pas ceux qui s’occupaient des jeunes depuis longtemps et les connaissaient bien. C’est qu’en effet s’il n’y a rien de certain, il n'y a plus ni raison d'être certaine ni but certain de la vie humaine et cette disparition de toute raison de vivre ne peut engendrer que le désespoir et la révolte. Que les adultes et les vieillards n'accusent pas les jeunes : leur génération est responsable que ceux-ci grandissent dans un monde où toutes les voix de la philosophie, de la littérature, du théâtre, de la presse, de la radio, de la télévision viennent leur crier qu'on ne peut pas savoir où est le vrai et où est le faux et que rien n’est certain.  
S'il n'y a ni raison d'être certaine ni but certain de la vie humaine, il n'y a plus de morale : pourquoi accepter des règles dont on ignore si elles sont vraies ou fausses ? S'il n'y a plus rien de certain, il n'y a plus rien qui vaille la peine de s'y donner, de s'y dévouer, le cas échéant de s'y sacrifier : il n'y a plus qu'à jouir et à profiter. Peut-être me dira-t-on qu'en tout temps il y a eu des vices et des crimes : oui, mais ils étaient reconnus comme vices et comme crimes, tandis qu'aujourd'hui il n'y a plus un vice, plus un crime qui ne trouve quelque penseur ou quelque auteur de roman, de théâtre ou de film à la mode pour en faire l'éloge. Puis, s'il n'y a plus de vérité certaine, il n'y a plus aucune base commune sur laquelle les hommes puissent s'accorder pour fonder la vie morale, l'ordre social, la civilisation : c'est la multiplication sans fin des opinions, des écoles, des partis, des camps, des idéologies, et l'humanité devient une tour de Babel où les hommes ne se comprennent plus et où toutes les discussions sont des dialogues de sourds car on ne peut discuter qu'à partir d'un point de départ commun (qu'on observe par exemple ce que deviennent les discussions internationales entre des pays qui n’ont pas la plus élémentaire notion commune de la morale, du droit ou de la justice). 
Il ne faut donc pas s'étonner que l'humanité vive aujourd'hui une crise qui atteint les fondements mêmes de la civilisation et remet en question l'homme tout entier.  
 Voilà donc le problème fondamental auquel nul ne peut échapper et auquel tous sont obligés de réfléchir : y a-til une vérité et notre intelligence humaine peut-elle, fût-ce laborieusement, parvenir à la connaître ? C'est à cette question, dont dépend l'avenir de l'homme et de la civilisation, que ce livre a l'ambition de répondre en amenant la réflexion de tous vers ce qu'il y a de plus fondamental.

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