Rejetons de modestes familles
canadiennes françaises, ouvrières ou petites bourgeoises, de l'arrivée au pays
à nos jours restées françaises et catholiques par résistance au vainqueur, par
attachement arbitraire au passé, par plaisir et orgueil sentimental et autres
nécessités.
Ça commence fort! Quelque peu hallucinant quand
on sait qu’il s’agit du manifeste de toute la Révolution tranquille.
« Rejetons de modestes familles canadiennes françaises… » Moi je veux
bien. Mais si on rejette ces modestes
familles canadiennes françaises qui ont traversé l’Atlantique (et donc leurs
descendants), il reste quoi pour former le pays auquel aspirent les adorateurs
péquistes de Borduas? On risque de ne pas atteindre pas le 50% + 1 de sitôt…
Petit peuple issu
d'une colonie janséniste, isolé, vaincu, sans défense contre l'invasion de
toutes les congrégations de France et de Navarre, en mal de perpétuer en ces lieux bénis de la peur
(c'est-le-commencement-de-la-sagesse !) le prestige et les bénéfices du
catholicisme malmené en Europe.
C’est comme ça, Paul-Émile, que tu vois ceux qui ont fondé
le pays que tu habites? Les chroniqueurs du National Post aussi. Pour ma part,
je préfère la vision du poète Alfred Desrochers lorsqu’il écrit : « Je suis un fils déchu d’une race de
surhommes. » Sans doute une question de sensibilité…
Petit peuple qui malgré tout
se multiplie dans la générosité de la chair sinon dans celle de l'esprit, au
nord de l'immense Amérique au corps sémillant de la jeunesse au cœur d'or, mais
à la morale simiesque, envoûtée par le prestige annihilant du souvenir des
chefs-d'œuvre d'Europe, dédaigneuse des authentiques créations de ses classes
opprimées.
La classe opprimée, déjà! Voyez avec quelle promptitude. Ensuite
il nous parle de « morale simiesque ». Simiesque signifie : « Qui tient du singe. » S’il en
est ainsi de la morale de l’époque, quel qualificatif faudrait-il choisir pour
qualifier la morale d’aujourd’hui. J’attends les suggestions.
Notre destin sembla durement
fixé.
Des révolutions, des guerres
extérieures brisent cependant l'étanchéité du charme, l'efficacité du blocus
spirituel.
Merci P-E d’avoir si bien contribué à la levée du
blocus. Grâce à cela, le Québécois
d’aujourd’hui a une spiritualité que je qualifierais de consistante, fluide et
sereine.
Des perles incontrôlables
suintent hors les murs.
Vous essayerez ça dans vos temps libres : contrôler des perles.
Vous risquez d’en suinter un coup!
Les luttes politiques
deviennent âprement partisanes. Le clergé contre tout espoir commet des
imprudences.
Des révoltes suivent,
quelques exécutions capitales succèdent. Passionnément les premières ruptures
s'opèrent entre le clergé et quelques fidèles.
Lentement la brèche
s'élargit, se rétrécit, s'élargit encore.
Ce n’est pas une rupture entre LE clergé et LES fidèles, ou entre des
membres du clergé et quelques fidèles mais entre LE clergé et quelques fidèles…
J’y vois surtout un déséquilibre stylistique…
Les voyages à l'étranger se
multiplient. Paris exerce toute l'attraction. Trop étendu dans le temps et dans
l'espace, trop mobile pour nos âmes timorées, il n'est souvent que l'occasion
d'une vacance employée à parfaire une éducation sexuelle retardataire et à
acquérir, du fait d'un séjour en France, l'autorité facile en vue de l'exploitation
améliorée de la foule au retour. À bien peu d'exceptions près, nos médecins,
par exemple, (qu'ils aient ou non voyagé) adoptent une conduite scandaleuse
(il-faut-bien-n'est-ce-pas-payer ces-longues-années-d'études !).
Paris! Ville de l’Art et de la poésie. L’endroit idéal pour
aller mourir dans l’indifférence et l’amertume. Retournez quêter vos
bénédictions et faire vos salamalecs dans cette Europe mourante, nous allons
faire l’Amérique en y assumant notre
destin.
Des œuvres révolutionnaires,
quand par hasard elles tombent sous la main, paraissent les fruits amers d'un
groupe d'excentriques.
Ça me semble un peu normal… Si cet effet te déplaît, lis la Princesse
de Clèves
L'activité académique a un autre prestige à
notre manque de jugement.
???
Ces voyages sont
aussi dans le nombre l'exceptionnelle occasion d'un réveil. L'inviable
s'infiltre partout. Les lectures défendues se répandent. Elles apportent un peu
de baume et d'espoir.
Les lectures permises de l’époque sont devenues les lectures
défendues d’aujourd’hui. Ce sont elles qui, moi, m’apportent baume et réconfort
dans ce siècle de sécheresse spirituelle. C’est ben pour dire…
Des consciences s'éclairent
au contact vivifiant des poètes maudits : ces hommes qui, sans être des
monstres, osent exprimer haut et net ce que les plus malheureux d'entre nous
étouffent tout bas dans la honte de soi et la terreur d'être engloutis vivants.
Un peu de lumière se fait à l'exemple de ces hommes qui acceptent les premiers
les inquiétudes présentes, si douloureuses, si filles perdues. Les réponses
qu'ils apportent ont une autre valeur de trouble, de précision, de fraîcheur
que les sempiternelles rengaines proposées au pays du Québec et dans tous les
séminaires du globe.
Bien sûr, les poètes maudits… L’ironie c’est qu’en ayant
senti l’obligation de rejeter tout ce que vous avez rejeté pour nous révéler
leur existence, vous nous les avez rendu du même coup inintelligibles. Sans ces
« sempiternelles rengaines » qui ont contribué à faire de l’Occident
ce qu’il est, il est à peu près impossible de comprendre Rimbaud et Baudelaire
en profondeur. Par ailleurs, ce qui se passe au Québec à ce moment, c’est
quelque chose qui n’est pas arrivé en Europe depuis le Moyen Âge. Les poètes
maudits sont un luxe que ne peuvent se permettre que les peuples solidement
établis depuis plusieurs siècles. Je suis content d’avoir découvert le bourbon
du Tennessee, mais je suis content que ce ne soit pas arrivé quand j’avais sept
ans.
Les frontières de nos rêves
ne sont plus les mêmes.
Des vertiges nous prennent à
la tombée des oripeaux d'horizons naguère surchargés. La honte du servage sans
espoir fait place à la fierté d'une liberté possible à conquérir de haute
lutte.
On appelle ça l’adolescence. C’est une phase normale dans le
développement d’un individu comme d’un peuple.
Au diable le goupillon et la
tuque ! Mille fois ils extorquèrent ce qu'ils donnèrent jadis.
Par delà le christianisme
nous touchons la brûlante fraternité humaine dont il est devenu la porte
fermée.
Comme dit Brigitte Fontaine : « Merci mon Dieu
pour Marx. Tu n’étais pas obligé. »
Le règne de la peur
multiforme est terminé.
Je ne sais pas pour vous mais sur cette assertion, j’ai
comme un doute… Il me semble, mais ce n’est peut-être qu’une impression, que
les Québécois n’ont jamais été aussi peureux qu’ils ne le sont aujourd’hui.
Demandez à Ferland ce qu’il en pense… Mais de qui il parle, en réalité? Qui a
peur multiformément? Ceux qui ont tout quitté pour traverser l’Atlantique sur
de frêles caravelles? Le tout va peut-être s’éclaircir avec l’énumération
suivante :
Dans le fol espoir d'en
effacer le souvenir je les énumère :
peur des préjugés - peur de l'opinion publique - des
persécutions - de la réprobation générale
Alors ça, y a pas à dire, nous nous en sommes bien libérés!
Quand je pense au Québécois issu de la Révolution tranquille, je pense à un
homme que l’opinion générale et la réprobation publique laisse de glace!
peur d'être seul sans Dieu et la société qui isole très
infailliblement
On le sait, depuis l’avènement des réseaux sociaux,
l’isolement n’est plus une réalité au Québec. On le voit dans nos CHSLD.
peur de soi - de son frère - de la pauvreté
Ne vous inquiétez pas, la pauvreté, dans le Québec moderne,
ça n’existe plus.Surtout pas la pauvreté spirituelle.
peur de l'ordre établi - de la ridicule justice
La ridicule justice… Le nom de Guy Turcotte me vient en
tête.
peur des relations neuves
C’était avant les sites de rencontre…
peur du surrationnel
Je ne sais pas ce que signifie ce mot, il n’est pas dans le
dictionnaire. Il faudrait demander à un membre de l’Institut du développement
de la personne.
peur des nécessités
???
peur des écluses grandes ouvertes sur la foi en l'homme -
en la société future
La foi en l’homme. Ça dépend ce qu’on entend : l’image
du Dieu créateur ou le singe évolué?
peur de toutes les formes susceptibles de déclencher un
amour transformant
Je sais comment déclencher une avalanche ou une alarme de
voiture, mais un amour transformant, j’avoue que je ne le sais pas.
peur bleue - peur rouge - peur blanche : maillons de
notre chaîne.
Aujourd’hui, je dirais que c’est plutôt la peur fuchsia et
la peur cuisse de nymphe émue.
Du règne de la peur
soustrayante nous passons à celui de l'angoisse.
Il parle au présent là, alors je ne sais plus trop à quel moment ce
passage se produit. Tout le monde sait que la pharmacologie a permis d’éradiquer
définitivement ce sentiment que nous ne connaissons plus et qui devait être
fort déplaisant.
Il aurait fallu être
d'airain pour rester indifférents à la douleur des partis pris de gaieté
feinte, des réflexes psychologiques des plus cruelles extravagances :
maillot de cellophane du poignant désespoir présent (comment ne pas crier à la
lecture de la nouvelle de cette horrible collection d'abat-jour faits de
tatouages prélevés sur de malheureux captifs à la demande d'une femme
élégante ; ne pas gémir à l'énoncé interminable des supplices des camps de
concentration ; ne pas avoir froid aux os à la description des cachots
espagnols, des représailles injustifiables, des vengeances à froid). Comment ne
pas frémir devant la cruelle lucidité de la science.
Euh… Il parle de
quoi là? Des horreurs qui se sont produites dans les camps de concentration
nazis et les prisons espagnoles? Sans doute la faute aux curés québécois.
À ce règne de l'angoisse
toute puissante succède celui de la nausée.
Jean-Paul, sort de ce corps…
Nous avons été écœurés
devant l'apparente inaptitude de l'homme à corriger les maux. Devant
l'inutilité de nos efforts, devant la vanité de nos espoirs passés.
Les espoirs de qui, là? Qui est-ce qui parle? Ah! Je
comprends! Il veut se situer dans la brûlante fraternité de l’humanité
globalisée!
Depuis des siècles les
généreux objets de l'activité poétique sont voués à l'échec fatal sur le plan
social, rejetés violemment des cadres de la société avec tentative ensuite
d'utilisation dans le gauchissement irrévocable de l'intégration, de la fausse
assimilation.
Y a pas à dire, l’humanité c’est vraiment d’la marde!
Depuis des siècles les
splendides révolutions aux seins regorgeant de sève sont écrasées à mort après
un court moment d'espoir délirant, dans le glissement à peine interrompu de
l'irrémédiable descente :
les révolutions françaises
la révolution russe
la révolution espagnole
Ah, la splendide révolution russe avec ces cent millions de
morts en trois quart de siècle! Comment rester d’airain, en effet! Mais
attention, la phrase continue :
…avortées dans une mêlée
internationale, malgré les vœux impuissants de tant d'âmes simples du monde.
D’une part il faut
s’ouvrir aux événements du monde pour y prendre part, et de l’autre ces
événements ne seront toujours qu’une suite d’injustices profitant aux exploiteurs
au détriment du simple monde. Rarement senti un tel bouillonnement d’espérance.
Et ça continue :
Là encore, la fatalité
fut plus forte que la générosité.
La fatalité. Qui
sont ces cons de curés qui vous disaient qu’il était possible de s’en sortir?
Si on veut être de son temps, si on veut être progressiste, si on veut pouvoir
prendre part à la grande aventure de l’intelligence humaine, il se pénétrer
bonne fois pour toute de cette vérité inéluctable : il n’y a rien à faire.
Ne pas avoir la nausée
devant les récompenses accordées aux grossières cruautés, aux menteurs., aux
faussaires, aux fabricants d'objets mort-nés, aux affineurs, aux intéressés à
plat, aux calculateurs, aux faux guides de l'humanité, aux empoisonneurs des
sources vives.
Évidemment que les
athées et les agnostiques ont le monopole du dégoût face à la glorification des
crottés…
Ne pas avoir la nausée
devant notre propre lâcheté, notre impuissance, notre fragilité, notre
incompréhension.
La prochaine fois que je voudrai insulter quelqu’un, je le traiterai
de lâche impuissant fragile qui ne comprend rien.
Devant les désastres de
nos amours... En face de la constante préférence accordée aux chères illusions
contre les mystères objectifs.
Les mystères objectifs ne sauraient être les mystères glorieux ou lumineux, cela va sans dire…
Où est le secret de cette
efficacité de malheur imposée à l'homme et par l'homme seul, sinon dans notre
acharnement à défendre la civilisation qui préside aux destinées des nations
dominantes.
Tu parles d’une idée de fou! J’imagine qu’il faut proposer
quelque chose de beaucoup plus stimulant pour édifier le Québec moderne.
Quelque chose comme défendre la civilisation qui préside aux destinées des
nations dominées?
Les États-Unis, la
Russie, l'Angleterre, la France, l'Allemagne, l'Italie et l'Espagne :
héritières à la dent pointue d'un seul décalogue, d'un même évangile.
Si le Québec veut devenir un pays, on espère qu’il saura se
démarquer dans le concert des Nations. Quand je pense à des pays qui n’y sont pas parvenus, je pense immédiatement aux États-Unis, à la Russie, à
l’Angleterre, à la France, à l’Allemagne, à l’Italie et à L’Espagne…
La religion du Christ a
dominé l'univers. Voyez ce qu'on en a fait : des fois sœurs sont passées à
des exploitations sœurettes.
Des fois sœurs?
Supprimez les forces
précises de la concurrence des matières premières, du prestige, de l'autorité
et elles seront parfaitement d'accord. Donnez la suprématie à qui vous voudrez,
le complet contrôle de la terre à qui il vous plaira, et vous aurez les mêmes
résultats fonciers, sinon avec les mêmes arrangements des détails.
Toutes sont au terme de
la civilisation chrétienne.
La pas-fine… Depuis le temps qu’on essaie d’y mettre fin.
Lâchez pas!
La prochaine guerre
mondiale en verra l'effondrement dans la suppression des possibilités de
concurrence internationale.
Son état cadavérique
frappera les yeux encore fermés.
La décomposition
commencée au XIVe siècle donnera la nausée aux moins sensibles.
Effondrement de
la civilisation chrétienne, bien sûr… C’est à se demander pourquoi tant
d’Arabes émigrent ici. C’est le contraire qu’on devrait
observer… J’ajoute, pour ceux qui voudraient être du bon bord au moment du
désastre final, que l’opération qui permet de se convertir à l’Islam est encore
plus simple que le baptême.
Son exécrable
exploitation, maintenue tant de siècles dans l'efficacité au prix des qualités
les plus précieuses de la vie, se révélera enfin à la multitude de ses
victimes : dociles esclaves d'autant plus acharnés à la défendre qu'ils
étaient plus misérables.
L'écartèlement aura une
fin.
On nous dit que le Refus global est un texte important dans
notre histoire récente, et c’est sans doute vrai. Mais de constater qu’une part
aussi importante de ce qui le constitue consiste en de la paraphrase cheapos d’un manifeste écrit exactement
cent ans plus tôt me fait mal.
La décadence chrétienne
aura entraîné dans sa chute tous les peuples, toutes les classes qu'elle aura
touchées, dans l'ordre de la première à la dernière, de haut en bas.
La décadence chrétienne… Quel est le mal ici? Que le christianisme soit
en déclin (et alors le christianisme est bon en soi)? Ou est-ce le
christianisme qui est la cause de la décadence?
La suite nous fait pencher vers la première option. Ouf!
Elle atteindra dans la
honte l'équivalence renversée des sommets du XIIIe.
Au XIIIe
siècle, les limites permises à l'évolution de la formation morale des relations
englobantes du début atteintes, l'intuition cède la première place à la raison.
Graduellement l'acte de foi fait place à l'acte calculé. L'exploitation
commence au sein de la religion par l'utilisation intéressée des sentiments
existants, immobilisés ; par l'étude rationnelle des textes glorieux au
profit du maintien de la suprématie obtenue spontanément.
Le XIIIe siècle est celui de Thomas d’Aquin, et il se
termine avec Dante. À partir de là, c’est le déclin. Borduas accorde donc treize siècle de vitalité au Christianisme.
Ce qu’il dénonce, c’est une forme dégradée de celui-ci. Une forme dans laquelle
« l’intuition cède la première place à la raison. » La mautadine
de raison! Par ailleurs, il parle de « textes glorieux » qui doivent
bien être les textes bibliques. Il faut bien qu’on sauve quelque chose.
L'exploitation
rationnelle s'étend lentement à toutes les activités sociales : un
rendement maximum est exigé.
La foi se réfugie au cœur
de la foule, devient l’ultime espoir d'une revanche, l'ultime compensation.
Mais là aussi, les espoirs s'émoussent.
En haut lieu, les
mathématiques succèdent aux spéculations métaphysiques devenues vaines.
À quoi sert la raison si ce n’est à l’exploitation des
masses? Luther la considérait comme la « plus grande prostituée du
diable ». Faust et Nietzsche
n’ont pas tardé à suivre… Combien de siècles encore récolterons-nous les fruits
pourris d’un tel blasphème?
L'esprit d'observation
succède à celui de transfiguration.
Il déplore la chose,
amis athées prompt à citer ce texte pour appuyer vos arguments. Il oppose
niaisement ces deux esprits. Comme s’ils s’excluaient l’un l’autre.
La méthode introduit les
progrès imminents dans le limité. La décadence se fait aimable et
nécessaire : elle favorise la naissance de nos souples machines au déplacement
vertigineux, elle permet de passer la camisole de force à nos rivières
tumultueuses en attendant la désintégration à volonté de la planète. Nos
instruments scientifiques nous donnent d'extraordinaires moyens
d'investigation, de contrôle des trop petits, trop rapides, trop vibrants, trop
lents ou trop grands pour nous. Notre raison permet l'envahissement du monde,
mais d'un monde où nous avons perdu notre unité.
Ah, l’écologie… Elle ne pouvait pas ne pas être là. Comme le
Refus global est le texte fondateur du Québec moderne, il fallait bien que les
partis qui s’en réclament incluent l’écologie au premier plan de leur programme
politique. Car on a beau dire, la langue commence à trouver ça lourd, le fait
de devoir soutenir seule tout ce qui fait l'originalité profonde d’un peuple…
L’écologie vient à la rescousse… En quoi nous formons une société distincte,
nous, Québécois, en Amérique? En ce que nous parlons français et que nous nous
soucions de l’écologie… (Tandis que les autres parlent anglais et polluent).
L'écartèlement entre les
puissances psychiques et les puissances raisonnantes est près du paroxysme.
Toujours cette fausse opposition, comme entre la science et
la religion ou entre la connaissance et la foi. Après le sous-Marx, le
sous-Nietzsche. Tant qu’on ne se rendra pas au sous-Onfray…
Les progrès matériels,
réservés aux classes possédantes, méthodiquement freinés, ont permis
l'évolution politique avec l'aide des pouvoirs religieux (sans eux ensuite)
mais sans renouveler les fondements de notre sensibilité, de notre
subconscient, sans permettre la pleine évolution émotive de la foule qui seule
aurait pu nous sortir de la profonde ornière chrétienne.
La pleine évolution émotive de la foule. Mais c’était avant
l’avènement des téléromans… Voyez le
projet, enthousiasmant : nous sortir de la profonde ornière chrétienne. C’est
pas mal fait aujourd’hui… La pilule a supplanté l’hostie pour notre plus grand
bonheur collectif.
La société née dans la
foi périra par l'arme de la raison : l'INTENTION.
Ce qui aura raison de nous? L’INTENTION. En grosses lettres.
Notre salut serait donc de toujours agir sans aucune intention. N’est-ce pas
ainsi dans la nature, tout l’univers n’étant rien d’autre que le fruit du plus pur
hasard. Bannissons le Bereshit!
Les deux dernières
guerres furent nécessaires à la réalisation de cet état absurde. L'épouvante de
la troisième sera décisive. L'heure H du sacrifice total nous frôle.
Déjà les rats européens
tentent un pont de fuite éperdue sur l'Atlantique. Les événements déferleront
sur les voraces, les repus, les luxueux, les calmes, les aveugles, les sourds.
Ils seront culbutés sans
merci.
Un nouvel
espoir collectif naîtra.
Eschatologie 101. Il faudrait expliquer à P-E que l’espoir collectif est une invention et un
fruit du christianisme, et donc que si on sort le peuple de « l’ornière
chrétienne », il ne pourra plus être question « d’espoir
collectif ». Encore une fois, ce sont de beaux projets, mais il sent la
nécessité, pour les faire advenir, d’éliminer la seule chose qui puisse les
rendre possibles.
Déjà il exige l'ardeur
des lucidités exceptionnelles, l'union anonyme dans la foi retrouvée en
l'avenir, en la collectivité future.
Même commentaire que ci-dessus. Je pense à un conducteur qui
voudrait que sa voiture puisse aller plus vite et qui déciderait d’enlever les
roues pour en diminuer la charge.
Le magique butin
magiquement conquis à l'inconnu attend à pied d'œuvre.
Le magique butin magiquement conquis? Il précise :
Il fut rassemblé par tous
les vrais poètes. Son pouvoir transformant se mesure à la violence exercée
contre lui, à sa résistance ensuite aux tentatives d'utilisation (après plus de
deux siècles, Sade reste introuvable en librairie ; Isidore Ducasse,
depuis plus d'un siècle qu'il est mort, de révolutions, de carnages malgré
l'habitude du cloaque actuel reste trop viril pour les molles consciences
contemporaines).
J’aurais pensé avant la parenthèse qu’il parlait des
prophètes de l’Ancien Testament… Mais non : Lautréamont et Sade! Pour
Lautréamont, je suis prêt à discuter. Sade? Ses œuvres complètes, si longtemps
introuvables, sont maintenant facilement accessibles en ligne. Ne vous étonnez
pas cependant, si vous voulez bénéficier de son incroyable « pouvoir
transformant », de voir surgir des pop-ups vous invitant à joindre des sites de
cyber-pédophiles. En espérant que les
consciences ce soient alors assez fortifiées pour que ce soit devenu légal.
Tous les objets du trésor
se révèlent inviolables par notre société. Ils demeurent l'incorruptible
réserve sensible de demain. Ils furent ordonnés spontanément hors et contre la
civilisation. Ils attendent pour devenir actifs (sur le plan social) le
dégagement des nécessités actuelles.
On a tous bien hâte que l’œuvre de Sade puisse devenir
active sur le plan social, que les politiciens puissent s’y référer lorsque
viendra le temps pour eux de proposer des réformes au code civil.
D'ici là notre devoir est
simple.
C’est bien beau dénoncer, il faut aussi agir… Tenez-vous
bien, ça va donner un grand coup.
Rompre définitivement
avec toutes les habitudes de la société, se désolidariser de son esprit
utilitaire. Refus d'être sciemment au-dessous de nos possibilités psychiques et
physiques. Refus de fermer les yeux sur les vices, les duperies perpétrées sous
le couvert du savoir, du service rendu, de la reconnaissance due. Refus d'un
cantonnement dans la seule bourgade plastique, place fortifiée mais trop facile
d'évitement. Refus de se taire - faites de nous ce qu'il vous plaira mais vous
devez nous entendre - refus de la gloire, des honneurs (le premier
consenti) : stigmates de la nuisance, de l'inconscience, de la servilité.
Refus de servir, d'être utilisables pour de telles fins. Refus de toute
INTENTION, arme néfaste de la RAISON. À bas toutes deux, au second rang !
Moi c’est la dernière phrase que je préfère. Faust dans
toute sa splendeur. Une société dégagée de toute intention. Il me semble que
nous en sommes là puisque c’est devenu une question politique : « What
do Quebec want? » Difficile de vouloir quelque chose quand on n’a pas
d’intention.
PLACE À LA MAGIE !
PLACE AUX MYSTÈRES OBJECTIFS !
PLACE À L'AMOUR !
PLACE AUX
NÉCESSITÉS !
La magie… encore Faust
Les mystères objectifs… plait-il?
L’amour… dans son sens sadien si possible…
Les nécessités! Euh…
Au refus global nous
opposons la responsabilité entière.
Je suis bien d’accord. Mais dites-moi… Comment peut-il y
avoir responsabilité s’il n’y a pas intention? « Votre Honneur, je ne peux
pas être tenu responsable de ce crime puisque je n’avais pas l’intention de le
commettre. » Plus je lis, plus j’ai l’impression d’avoir affaire à des
revendications d’adolescents. Le Refus global marquerait en fait le passage du
Québec à l’adolescence. Phase nécessairement transitoire, on l'a dit…
L'action intéressée reste
attachée à son auteur, elle est mort-née.
Il y a quelques différences entre l’Intention et l’Intérêt…
Les actes passionnels
nous fuient en raison de leur propre dynamisme.
Nous prenons allègrement
l'entière responsabilité de demain. L'effort rationnel, une fois retourné en
arrière, il lui revient de dégager le présent des limbes du passé.
Dire que le passé est garant de l’avenir ou qu’il permet de mieux
comprendre le présent revient à se mettre du bord des exploiteurs.
Nos passions façonnent
spontanément, imprévisiblement, nécessairement le futur.
Le passé dut être accepté
avec la naissance, il ne saurait être sacré. Nous sommes toujours quittes
envers lui.
Et voilà la fameuse « table rase » communiste.
Rien à cirer du patrimoine, de la culture nationale, des ancêtres avec leur
sacrifice imbécile pour permettre notre existence. Le respect des aïeux relève
pour moi du cinquième commandement : « Honore ton père et ta mère,
afin que tes jours se prolongent dans le pays que l'Éternel, ton Dieu, te
donne. » (Exode 20, 12) Saint Paul fait remarquer qu’il s’agit du premier
commandement auquel est attachée une promesse : celle de durer en tant que
peuple. On pourra dire que c’est n’importe quoi, cette ordonnance qui a été
imposée à une tribu nomade il y a trois millénaires. N’empêche que nous serons
toujours obligés de constater que le plus vieux peuple existant encore est
justement celui qui a toujours été le plus passionnément attaché à son patrimoine. (À cause du commandement
ci-dessus qui en fait justement partie…) Le rejet qu’exige Borduas ne saurait
donc pas être garant de quelque durée que ce soit. En d’autres termes, ça fait
pas des enfants forts.
Il est naïf et malsain de
considérer les hommes et les choses de l'histoire dans l'angle amplificateur de
la renommée qui leur prête des qualités inaccessibles à l'homme présent.
Certes, ces qualités sont hors d'atteinte aux habiles singeries académiques,
mais elles le sont automatiquement chaque fois qu'un homme obéit aux nécessités
profondes de son être ; chaque fois qu'un homme consent à être un homme
neuf dans un temps nouveau. Définition de tout homme, de tout temps.
Naïf et malsain, peut-être… Mais il est assez difficile de
faire autrement quand on entend les hommes québécois d’aujourd’hui se glorifier
de leurs vasectomies.
Fini l'assassinat massif
du présent et du futur a coups redoublés du passé.
Il suffit de dégager
d'hier les nécessités d'aujourd'hui. Au meilleur demain ne sera que la
conséquence imprévisible du présent.
Nous n'avons pas à nous
en soucier avant qu'il ne soit.
Comme si l’oubli du passé était garant de la grandeur du
présent et du futur. On dit souvent que les Québécois ne connaissent rien à leur
histoire. C’est peut-être voulu par les élites…
La conclusion de l'ensemble s'intitule Règlement final des
compte. Ça va comme suit:
Les forces organisées de
la société nous reprochent notre ardeur à l'ouvrage, le débordement de nos
inquiétudes, nos excès comme une insulte à leur mollesse, à leur quiétude, à
leur bon goût pour ce qui est de la vie (généreuse, pleine d'espoir et d'amour
par habitude perdue).
Essayons d’appliquer cette longue phrase à la société québécoise actuelle
et demandons-nous à qui s’applique la mollesse et à qui la générosité de la
vie. D’un côté les chantres gouvernementaux de l’euthanasie et de l’avortement,
de l’autre…
Les amis du régime nous
soupçonnent de favoriser la « Révolution ». Les amis de la « Révolution »
de n'être que des révoltés : « ... nous protestons contre ce qui est,
mais dans l'unique désir de le transformer, non de le changer. »
Si délicatement dit que
ce soit, nous croyons comprendre.
Il s'agit de classe.
De caste? Ah non, de classe! Désolé.
On nous prête l'intention
naïve de vouloir « transformer » la société en remplaçant les hommes
au pouvoir par d'autres semblables. Alors, pourquoi pas eux, évidemment !
Ils se défendent donc de vouloir changer quatre 25¢ sous
pour une piastre. Désolé, amis automatistes, mais c’est bien ce qui est arrivé,
vous seriez horrifiés de constater à quel point. Votre manifeste est devenu
la référence fondatrice de toute la classe bien pensante d’aujourd’hui, dans
le monde de l’intelligentsia québécoise. Même ceux qui ne l'ont jamais lus sont affectés. C’est hallucinant.
Mais c'est qu'eux ne sont
pas de la même classe ! Comme si changement de classe impliquait
changement de civilisation, changement de désirs, changement d'espoir !
Voilà, ils ne sont pas de la même classe. Ils sont de la
classe ennemie. Il n’y a rien à espérer pour eux. Comme pour les castes
hindoues. Fatalisme, encore et encore!
Ils se dévouent à salaire
fixe, plus un boni de vie chère, à l'organisation du prolétariat ; ils ont
mille fois raison. L'ennui est qu'une fois la victoire bien assise, en plus des
petits salaires actuels, ils exigeront sur le dos du même prolétariat,
toujours, et toujours de la même manière, un
règlement de frais supplémentaires et un renouvellement à long terme,
sans discussion possible.
Bref, ce sont des salauds avec qui il ne convient pas de
discuter. J’avoue cependant ne pas être sûr de savoir exactement de qui il
parle. Des ennemis, bien sûrs, mais encore? Les dominants? Les capitalistes?
Les Anglais?
Nous reconnaissons quand
même qu'ils sont dans la lignée historique. Le salut ne pourra venir qu'après
le plus grand excès de l'exploitation.
Par ici la Parousie!
Ils seront cet excès.
Ils le seront en toute
fatalité sans qu'il y ait besoin de quiconque en particulier. La ripaille sera
plantureuse. D'avance nous en avons refusé le partage.
Voilà notre
« abstention coupable ».
De Marx et Engels, on vient de passer à saint Jean
l’Évangéliste. Il n’a pas dû s’en rendre compte.
À vous la curée
rationnellement ordonnée (comme tout ce qui est au sein affectueux de la
décadence) ; à nous l'imprévisible passion ; à nous le risque total
dans le refus global.
C’est noble, bonne chance!
(Il est hors de volonté
que les classes sociales se soient succédées au gouvernement des peuples sans
pouvoir autre chose que poursuivre l'irrévocable décadence. Hors de volonté que
notre connaissance historique nous assure que seul un complet épanouissement de
nos facultés d'abord, et, ensuite, un parfait renouvellement des sources
émotives puissent nous sortir de l'impasse et nous mettre dans la voie d'une
civilisation impatiente de naître.)
Une civilisation qui va reposer sur quoi? Après tout ce que
vous venez de rejeter, il ne reste plus grand-chose. La remarque pourrait
certainement être appliquée au PQ. Sur quoi vont reposer le pays impatient de
naître? La langue et l’écologie? Possible que ce ne soit pas assez.
Tous, gens en place,
aspirants en place, veulent bien nous gâter, si seulement nous consentions à
ménager leurs possibilités de gauchissement par un dosage savant de nos
activités.
La fortune est à nous si
nous rabattons nos visières, bouchons nos oreilles, remontons nos bottes et
hardiment frayons dans le tas, à gauche, à droite.
Nous préférons être
cyniques spontanément, sans malice.
Attention, il ne sera pas question de nous récupérer, nous
resterons intègres jusqu’à la fin. Pauvre de vous. Si vous voyiez qui a
récupéré votre idéologie! Il y a largement de quoi se promener tout nu dans un
baril.
Des gens aimables
sourient au peu de succès monétaire de nos expositions collectives. Ils ont
ainsi la charmante impression d'être les premiers à découvrir leur petite
valeur marchande.
Si nous tenons exposition
sur exposition, ce n'est pas dans l'espoir naïf de faire fortune. Nous savons
ceux qui possèdent aux antipodes d'où nous sommes. Ils ne sauraient impunément
risquer ces contacts incendiaires.
Dans le passé, des
malentendus involontaires ont permis seuls de telles ventes.
Nous croyons ce texte de
nature à dissiper tous ceux de l'avenir.
Malheureusement…
Si nos activités se font
pressantes, c'est que nous ressentons violemment l'urgent besoin de l'union.
Là, le succès
éclate !
Hier, nous étions seuls
et indécis.
Aujourd'hui un groupe
existe aux ramifications profondes et courageuses ; déjà elles débordent
les frontières.
So, so, so…!
Un magnifique devoir nous
incombe aussi : conserver le précieux trésor, qui nous échoit. Lui aussi
est dans la lignée de l'histoire.
Tiens, tiens, la lignée de l’histoire maintenant. Celle qui
a été refusée globalement il y a quelques lignes…
Objets tangibles, ils
requièrent une relation constamment renouvelée, confrontée, remise en question.
Relation impalpable, exigeante qui demande les forces vives de l'action.
Ce trésor est la réserve
poétique, le renouvellement émotif où puiseront les siècles à venir. Il ne peut
être transmis que TRANSFORMÉ, sans quoi c'est le gauchissement.
Que ceux tentés par
l'aventure se joignent à nous.
La réserve poétique dont il parle existe. Anne Catherine
Emmerich l’appelait le Dépôt sacré. Je le soupçonne d’avoir traversé
l’Atlantique avant l’hécatombe de la révolution française. Mais je doute fort
qu’il se soit réfugié chez les automatistes.
Au terme imaginable, nous
entrevoyons l'homme libéré de ses chaînes inutiles, réaliser dans l'ordre
imprévu, nécessaire de la spontanéité, dans l'anarchie resplendissante, la
plénitude de ses dons individuels.
Ah, je suis surpris de ne pas l’avoir rencontrée plus tôt,
l’anarchie resplendissante. Gage de durée pour une civilisation s’il en est!
D'ici là sans repos ni
halte, en communauté de sentiment avec les assoiffés d'un mieux-être, sans
crainte des longues échéances, dans l'encouragement ou la persécution, nous
poursuivrons dans la joie notre sauvage besoin de libération.
Bon comme le mieux est l’ennemi du bien, on a dû se
contenter d’une communauté d’assoiffés de bien-être, au grand plaisir des bougons
et des gourous de la croissance personnelle. Mais c’est déjà un début et nous
n’avons pas peur des longues échéances.
Et voilà, c’est terminé. Le texte fondateur de toute la
Révolution tranquille. Il a eu sa nécessité, c’est entendu, et il n’est pas totalement
dénué de beauté. Mais je l’ai dit et je le répète : on ne peut absolument
rien fonder de durable là-dessus. 65 ans, cette année... L’âge idéal pour une
retraite bien méritée!
Mon collègue Daniel avait bien raison. On a cruellement
besoin d’un nouveau Refus global.
Votre exercice est intéressant et dénote certainement de la patience et de la passion. Mais j’avoue que je vous trouve un peu de mauvaise foi. En fait, je vous accorde que tout ce qui est du « table rase du passé » et du mépris de nos ancêtres est tout à fait désolant. C’est un manque de reconnaissance difficile à avaler. Mais quand il est question du capitalisme et de sa suite, il me semble quand même évident que bien des dérives ne soient pas voulues par Dieu et que, conséquemment, elles ne sont pas souhaitables. Certes les catastrophes qui ont suivi le Manifeste de Marx sont innommables, mais il avait quand même prévu bien des conséquences du libre-échange et de la production industrielle : surconsommation de toutes sortes (amenant la pollution et la destruction de la faune et la flore), exploitation des plus faibles en employant des populations à des salaires ridicules, bref, une roue qu’on dirait maintenant incontrôlable. Pour les signataires du Refus global, il me semble qu’ils essaient (bien mal, certes) de nous dire, un peu comme les croyants disent aux incroyants : « Il y a un autre monde. Vous ne vous sentez pas bien ici, nous non plus, soyons frères et croyons! » Le hic, c’est qu’ils jettent bien des choses qui auraient pu permettre de reconstruire.
RépondreEffacerMerci pour votre travail.
Gina Poirier
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