Tellement
d’injustices en ce monde. Tellement d’innocentes victimes de morts atroces,
tandis que c’est de rire que les pires trous du'c finissent par crever. Devant
l’incurie de la justice terrestre (une joke de plus en plus risible) on
comprend que des faibles d’esprit s’imaginent une justice divine (une justice
de l’arrière monde dirait Maître Onfray) qui viendrait tout rééquilibrer. Seuls
ceux qui peuvent prétendre à la surhumanité sont capables de fonctionner avec
l’évidence de cette injustice et du chaos qui règnent sur le monde.
Bien sûr!
Je me
rappelle une prof de littérature qui nous disait sans rire que la conscience
était un voile que l’on se plaçait devant les yeux pour ne pas voir le chaos,
question de pouvoir continuer à vivre… Ce qui est drôle avec ces gens c’est qu’ils
vont s’empresser d’évoquer la science pour affirmer la vétusté de la religion… La
science dont l’existence même est absolument incompatible avec ce chaos qu’ils
situent au fondement du monde.
Faust est un
scientifique… Un scientifique assez intelligent pour ne pas tomber dans un
piège aussi jambon. Pourquoi succombe-t-il? C’est une question importante car
Faust est l’archétype parfait de l’intellectuel moderne.
La réalité
des souffrances ne fait pas succomber Job mais la perspective des jouissances
fait tomber Faust. Ce dernier ne veut pas seulement décrire la réalité, il veut
pouvoir la changer. Il connait la vérité mais elle ne lui convient pas. Il faut
donc en changer les bases. Une vie chargée de plaisirs n’est pas compatible
avec la vérité de l’homme, c’est-à-dire avec ce qui lui permet de
« devenir ce qu’il est ». Il faut donc changer cette vérité, et tel
est le désir de Faust.
Moi,
l’image de la divinité, qui me croyais déjà parvenu au miroir de l’éternelle
vérité ; qui, dépouillé, isolé des enfans de la terre, aspirais à toute la
clarté du ciel ; moi qui croyais, supérieur aux chérubins, pouvoir
confondre mes forces indépendantes avec celles de la nature, et, créateur
aussi, jouir de la vie d’un Dieu, ai-je pu mesurer mes pressentimens à une
telle élévation ?...
Les
philosophes grecs de l’Antiquité s’élaboraient une métaphysique pour justifier
leurs comportements. L’homme moderne ne veut pas d’une foi qui le brime dans sa
recherche de plaisirs. Il se tourne donc vers des « sages » qui
puissent lui fournir une métaphysique compatible avec cette recherche. Faust
est la figure qui a justifié une telle recherche. Qu’un scientifique -- un sage
parvenu à l’extrémité de la connaissance de son temps -- soit prêt à donner son
âme en échange de biens aussi vulgaires vient marquer une étape. Plein de
pseudo-Faust vont s’engager à sa suite. Ils vont vouloir, eux-aussi, changer
les fondements du monde. Les meilleurs d’entre eux ne sont pas dupes. Ils
savent qu’une telle vie mène au néant. Il va rester à glorifier ce néant duquel
tout peut surgir, comme du chapeau d'un magicien.
D’ailleurs arrivé
au bout de la connaissance, deux choix s’offrent à Faust : la foi ou la
magie. Soit on se plie à la réalité du monde pour le transcender et rejoindre
Dieu, soit on plie le monde à notre réalité pour en être le dieu. Comme disait
Léon Bloy : « Au fond, l'orgueil, à tous les niveaux,
consiste à croire qu'on est Dieu et qu'on a
créé le monde. » Un monde avec une métaphysique
qui admette les comportements que l’on veut adopter selon ce que notre instinct
nous commande. La raison est au service de l’instinct. Telle est
maintenant sa seule justification.
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